l’artiste libano-américain Chawky Frenn engagé pour la paix en visite à Marseille
Rencontre à Marseille avec l’artiste américain d’origine libanaise Chawky Frenn, en visite dans la ville. Nous vous le présentons et vous livrons ses propos sur son art, son engagement pour la paix et sa vision de la cité phocéenne : « C’est comme si je visitais mon pays natal, avec la nostalgie pour la paix et l’harmonie avec la nature que Marseille offre. »
Qui est Chawky Frenn ?
Né à Zahlé, dans la plaine de la Bekaa au Liban, Chawky Frenn a vécu ses années de formation dans un pays qui l’a nourri de spiritualité et de beauté, mais aussi de paradoxes, de conflits et d’illusions. Avant d’émigrer aux États-Unis en 1981, où il a obtenu une licence en Beaux Arts au Mass College of Art and Design de Boston et un mastère en Beaux Arts de la Tyler School of Art de Temple University à Philadelphie, il a été témoin de six années de guerre civile, dont les effets dévastateurs influenceront puissamment sa vie, son art et son enseignement. Frenn est depuis 24 ans professeur agrégé à l’Université George Mason de Fairfax en Virginie où il vit.
Frenn a exposé aux États-Unis, en France, en Allemagne, en Italie, au Liban et en Inde. Son travail fait partie des collections du Musée d’art récent de Bucarest en Roumanie, du Musée d’art Housatonic à Bridgeport dans le Connecticut, du Springfield Museum of Art dans l’Ohio, ainsi que de collections privées. L’artiste a reçu de nombreux prix, dont le prix d’excellence académique et professionnelle Fulbright-Nehru à New Delhi en Inde, le Teaching Excellence Award de l’Université George Mason à Fairfax, le Prix Blanche E. Colman, Mellon Trust et la Bourse de la Fondation Khalil Gibran, à Boston.
« En tant qu’immigrant libanais ayant fui un pays déchiré par la guerre, arriver aux États-Unis me semblait entrer dans une terre d’opportunités, un phare de la démocratie et le summum des droits de l’Homme. Cependant, après des années de vie et d’observation de nos idéaux et de notre politique (américaine), je me suis rendu compte que même au pays de la liberté, nos droits ont souvent été chèrement obtenus plutôt que librement accordés. Mon art est un acte de défi, pas d’évasion » confie Chawky Frenn.
Chawky, pourquoi et comment votre art est-il engagé pour la paix ?
Chawky Frenn : Les thèmes et allégories récurrents dans mon travail traduisent l’urgence et la gravité de notre époque. L’observation de l’histoire a révélé comment l’hypocrisie politique, le sectarisme religieux et l’avidité débridée alimentent la guerre et la violence, inspirant mon art à devenir une voix pour la paix, la justice et les droits de l’Homme.
Ainsi, j’ai longuement travaillé sur une série intitulée « We the People », d’après les premiers mots de la Constitution des Etats Unis d’Amérique. Cette collection de 107 peintures en techniques mixtes sur des affiches de la Constitution des États-Unis est l’aboutissement d’une décennie de recherche. S’inspirant de problématiques contemporaines, la série aborde des sujets qui nous concernent tous : le choc entre les idéaux nationaux et les réalités politiques, l’influence des intérêts privés sur les politiques publiques, l’impact profond de l’argent sur la démocratie, les guerres en cours, les préjugés raciaux et ethniques et les défis auxquels sont confrontés les pays, notamment les migrants et les réfugiés, dans leur quête des droits humains. Le pape François, que vous avez reçu à Marseille, l’avait parfaitement formulé : « Notre monde est confronté à une crise de réfugiés d’une ampleur jamais vue depuis la Seconde Guerre mondiale. »
Une citation d’un peintre inspirant qui vous accompagne ?
C. F : Le grand Picasso croyait « que les artistes qui vivent et travaillent avec des valeurs spirituelles ne peuvent et ne doivent pas rester indifférents à un conflit dans lequel sont en jeu les valeurs les plus élevées de l’humanité et de la civilisation ». A ma mesure, je ne peux pas rester indifférent à des conflits qui détruisent des pays, des civilisations et des peuples ; ce sont des personnes et des enfants que des décisions politiques extérieures condamnent à la migration. L’art n’est pas seulement un témoin de son temps, mais une voix qui provoque la réflexion, stimule l’action et inspire le changement, en remettant en question les récits dominants et en exprimant des perspectives réprimées.
Vous êtes en visite à Marseille, quel est votre sentiment sur la ville ?
C. F : D’abord le paysage méditerranéen qui l’entoure est un paradis terrestre, j’y retrouve le Liban qui hélas n’est plus paradisiaque. Chérissez votre terre et protégez-la des malheurs, soyez vigilants à propos de vos gouvernants. C’est ma troisième visite à Marseille et chaque fois je la découvre avec un oeil neuf pour son histoire, son architecture, son art, ses villages environnants, sa nature. C’est comme si je visitais mon pays natal, avec la nostalgie pour la paix et l’harmonie avec la nature que Marseille offre.